Le Pérail, ce fromage de brebis emblématique des confins des départements de l’Aveyron, de la Lozère, de l’Hérault, du Gard et du Tarn, vient d’obtenir son Indication Géographique Protégée (IGP). Cette reconnaissance européenne marque l’aboutissement d’un combat de longue haleine pour préserver un savoir-faire ancestral et un lien indéfectible avec son territoire.
Un fromage à l’identité forte et historique
Né à la fin du XIXe siècle, le Pérail trouve ses origines dans une pratique fermière où les femmes utilisaient les surplus de lait de brebis en fin de lactation et les restes de présure fournis par les fromageries de Roquefort. Cette contrainte, associée à un égouttage sur la « peralhièira » – un évier en pierre qui lui a donné son nom – a façonné un fromage de petite taille, issu d’une technologie mixte. Aujourd’hui, qu’il soit produit à la ferme ou en laiterie, le Pérail se distingue par sa peau fine légèrement feutrée et sa pâte fondante et onctueuse. Ses arômes sont singuliers, mêlant des odeurs lactées, des notes de laine de brebis et des touches aromatiques fraîches et douces.
Ancrage territorial et modèle durable
Le secret du Pérail réside dans son terroir semi-montagneux du sud-ouest du Massif central, une zone où les climats montagnard et méditerranéen se rencontrent. C’est ici que les brebis de race Lacaune trouvent une flore riche et diversifiée, garantissant un lait entier de haute qualité. L’alimentation des troupeaux repose majoritairement sur les ressources locales de l’aire géographique de l’IGP, privilégiant un système herbager dominant avec un accès aux pâturages.
Au-delà de la qualité, la production de Pérail s’inscrit dans une démarche durable. Elle garantit le bien-être animal avec l’accès au pâturage et des aires paillées, et contribue à la préservation de la biodiversité. Les aliments sont non OGM, 70% d’entre eux provenant de l’aire géographique, excluant les produits dérivés de palme. La filière s’engage également pour la couverture des sols en hiver et la culture de légumineuses fourragères.
La voix de la fierté et des ambitions
Pour Pierre Gaillac, président de l’Association Pérail, cette IGP est une consécration majeure. « C’est l’aboutissement d’un combat de 35 ans. Nous n’avions pas eu l’AOP en 2019, alors nous avons remis les partenaires autour de la table », confie-t-il. Ce succès est d’autant plus remarquable qu’il a su fédérer l’ensemble des acteurs, « des producteurs fermiers, des artisans, des coopératives et des industriels. Réunir tout le monde est déjà une grande victoire. »
Avec plus de 1000 tonnes produites par an, le Pérail est un produit en plein essor. L’obtention de l’IGP est une protection vitale pour cette filière qui représente 1000 producteurs de lait et 400 emplois. « Grâce à l’IGP on a protégé notre territoire », se félicite Pierre Gaillac, évoquant l’existence passée de Pérail fabriqué hors de la zone. « Et pour nous la protection du territoire, c’est énorme. Le matin quand on se lève, on est pas peu fier. »
Cette reconnaissance ouvre de nouvelles portes. « Le fait d’obtenir l’IGP nous ouvre d’autres marchés, comme les écoles, les hôpitaux, les cantines… », précise le président. L’objectif est clair : « On doit pouvoir apprendre dès la cantine à nos enfants le bon goût et le Pérail le permet. »
Les défis à venir concernent la promotion et la rémunération juste des producteurs de lait. Une collaboration étroite est envisagée avec le Roquefort. « On va se rapprocher de notre grand frère, Roquefort, pour mutualiser certaines choses, très rapidement. Par exemple sur le suivi des cahiers des charges, optimiser tout ce qu’il sera possible d’optimiser, peut être même la communication », annonce Pierre Gaillac. « Nous sommes sur le même territoire, avec les mêmes brebis. C’est un travail en bonne voie, c’est la même famille. » La pédagogie auprès des consommateurs, notamment pour les accords mets-vins, sera également au cœur des prochaines actions.
L’IGP Pérail n’est pas seulement un label de qualité ; elle est le témoignage d’un patrimoine vivant, d’un engagement environnemental et d’une dynamique collective prête à faire rayonner ce fromage doux et savoureux bien au-delà de son berceau.